Il est mon intime évidence.
La ferme africaine , il y a en ces souvenirs d'Afrique beaucoup de mes failles, lumières et forces.
Prendre le risque de lâcher prise ou se perdre à jamais, je connais ce sentiment pour l'avoir apprivoisé. Aurais-je la force de continuer le combat, je ne sais pas. Promesse céleste ... murmure mouillé sur la taie d'oreiller "Tue-moi si je te désaime". Je ne pourrais plus vivre les ailes arrachées...
Ce roman de Karen Blixen a été adapté au cinéma par Sydney Pollack sous le titre de Out of Africa récompensé par sept Oscars.
Cette Nouvelle traduction éditée chez Gallimard est la plus réussie que j'ai lue, enfin fidèle à la musique de cette conteuse au style contemporain, une écriture racée, élégante et poétique au rythme de l'Afrique, celle de toutes les magies, silences et sang versé.
J'y retrouve le souffle d'Hemingway.
"Quand le souffle passait en sifflant au-dessus de ma tête, c'était le vent dans les grands arbres de la forêt, et non la pluie. Quand il rasait le sol, c'était le vent dans les buissons et les hautes herbes, mais ce n'était pas la pluie. Quand il bruissait et chuintait à hauteur d'homme, c'était le vent dans les champs de maïs. Il possédait si bien les sonorités de la pluie que l'on se faisait abuser sans cesse, cependant, on l'écoutait avec un plaisir certain, comme si un spectacle tant attendu apparaissait enfin sur la scène. Et ce n'était toujours pas la pluie. Mais lorsque la terre répondait à l'unisson d'un rugissement profond, luxuriant et croissant, lorsque le monde entier chantait autour de moi dans toutes les directions, au-dessus et au-dessous de moi, alors c'était bien la pluie. C'était comme de retrouver la mer après en avoir été longtemps privé, comme l'étreinte d'un amant. "
"Quand je songe à ma vie passée en Afrique, il me semble qu’on pourrait la décrire comme une vie humaine, la vie d’un être qui a quitté un monde assourdissant et inquiet pour une terre paisible. "
« Je ne faisais plus qu'un avec le monde, j'étais l'herbe et le brin d'herbe, les montagnes invisibles et les bœufs épuisés, je respirais au rythme du vent dans les arbres. »
Notre précepteur, mon frère et moi à Bangui |
Dans ma malle aux souvenirs, mon enfance africaine, une rencontre animale rédigée d'après mes souvenirs d'enfance.
"Premier volet d'un voyage au cœur de l'Afrique… cette Afrique centrale que l'on connaît si mal.
Bangui, qui malgré sa beauté, cette douce cité-jardin ne reçoit pas beaucoup de touristes.
Toute mon enfance et ma pré-adolescence, ont été bercées par cette Afrique là.
L'Afrique verte qui vous entoure de ses bras et vous insuffle la vie au plus profond de vos tripes…
1972 - RCA - République Centrafricaine - Bangui - Sango (langue nationale)
Eva Lunaba 5 ans Je suis arrivée sur cette terre rouge, à 5 ans, premier vol, première découverte de l'autre, celui à la peau fusain, avec des yeux à bouffer la vie, avec des cheveux broussailles comme la brousse qui nous entourait à la descente d'avion…Une culture gourmande, forte et si douce à la fois. Ma doudou était une femme aux baisers dévorants et sucrés. Mon précepteur un sage au regard "ailleurs", curieux, avide de sciences et d'histoires, mon premier conteur qui m'a donné envie de souligner les songes sur du papier blanc, avec toute l'essence de l'encre noire…
J'ai vécu entourée d'animaux, du plus sauvage au plus apprivoisé (chimpanzé, mangouste, perroquets, biche, agneau, chats, chiens…).
notre biche, mon frère et moi
Je me souviens de bisous râpeux, tendres, mouillés, mordillés, insolites… de douceur, de chaleur, de réconfort, de communion, de partage, d'apprentissage, de douleur vive quand notre petit faon s'est éteint et qu'en rentrant de l'école j'avais trouvé son petit corps raidi sans vie… Mon papa, l'avait sauvé d'une chasse, sa maman avait été braconnée, nous avons pendant les vacances de pâques tenté de la sauver en la nourrissant au biberon… Et lorsque nous avons repris le chemin de l'école, mon frère et moi, notre petite biche s'était évanouie dans les feuillages d'un monde de repos… Nous avions été absents une seule journée, et elle avait dû croire que nous l'abandonnions… culpabilité enfantine de n'avoir pas été là à ses côtés… le cœur marqué par la disparition d'un tout petit compagnon si fragile qui tenait sur ses frêles pattes comme s'il était perché sur des talons aiguilles.
ma petite biche et moi
Puis sont arrivés les perroquets gris du Gabon, Jacquot et Jacquotte qui se bécotaient sur le perchoir de leur cage. Complices, ils nous faisaient des farces, et imitaient la voix de nos parents, de notre cuisinier, d'une clochette pour nous convier à table… Des moments de fous-rires. De la pointe de la langue, ils nous câlinaient. Ils étaient le plus souvent sur la terrasse, quand les chats au nombre de 10 ne se trouvaient pas là ;)
Jacquot, mon papa, mon petit frère, ma copine Bea et moi Les Aristochats étaient un groupe homogène, de chats de gouttière, de siamois et persan. A chaque petit de Lady la courtisane, la première adoptée nous en gardions un de la portée et à 10, mes parents ont dit stop ! et mes larmes de voir les suivants quitter leur panier pour de nouveaux maîtres ne les ont pas fait plier :pNe me parlez pas de pilule ou d'ablation de l'utérus, nous étions en Afrique !La vie n'est pas contrôlée comme dans notre Archebulle européenne.Les Aristochats s'entendaient bien avec nos deux chiens, Icare (un chien loup) et Rantanplan (un corniaud). Le premier avait les yeux "bleu acier", le second une oreille sur deux qui ne souhaitait pas tenir droite, ce qui était amusant c'est que dans les premiers temps de son arrivée à l'arche de Noé, de la gauche à la droite, ne cessait ce manège burlesque de celle qui tiendrait droite et battrait le record de longévité. Chacun avait son territoire à défendre, et chacun sa terrasse pour se reposer à l'ombre… La maison était leur lieu de rencontre où ils se respectaient mutuellement mais dès qu'ils regagnaient leur territoire réciproque, ils se défiaient du regard et retroussaient leurs babines.
A chaque long voyage, papa nous ramenait un survivant, un animal que le zoo voulait se débarrasser, ou un petit animal abandonné après le passage des chasseurs.La chasse étant toujours d'actualité en Centrafrique, malgré l'effort constant et de la volonté de plus en plus affichée des dirigeants africains de prendre en compte la gestion et la conservation des ressources naturelles, les propositions de classement d'aires protégées se multiplient désormais en Afrique centrale.Un ami de mon papa, lui avait offert pour le remercier de l'avoir aidé un agneau blanc, à sacrifier pour sceller leur amitié et la rendre ainsi solennelle.Papa a refusé, et j'ai adopté ce petit agneau, après observation de l'un et l'autre, est venu le temps de cabrioles, des câlins, de l'échange, du partage…. Nuage était rentré dans ma vie.Puis un soir, il n'était plus là…A table du gigot, je ne le savais pas encore… puis comme papa me voyait le cœur brisé de chercher partout Nuage, il m'avoua la vérité, son ami avait pris ombrage de son refus de sacrifier l'agneau, et il avait semblé juste, ne pas blesser son ami, Aimé.Et ainsi partager ce repas ensemble.Aimé me voyant pleurer à chaudes larmes, pensant me réconforter m'a offert la peau de l'animal tannée pour m'en faire une couverture.Vous comprendrez aisément que je n'ai pas souhaité la garder sur mon lit.Ce jour-là, un chagrin avait bousculé ma vie enfantine, mais cette journée m'avait apprise que nous étions avant tout guidés par nos cultures, nos expériences, nos convictions et que le jugement n'avait pas sa place. J'ai remercié Aimé, par quelques mots en sango "Singuila", pris sa couverture et l'ai donnée à mon précepteur.
Mon frère, notre chimpanzé et moi Pour oublier ce douloureux épisode, est apparue dans notre vie Shita, oui, je sais c'est commode, mais je vous parle de 1975.Une femelle chimpanzé d'une tendresse démonstrative et une espiègle fouineuse.Mon frère avait sa préférence, exclusive, elle était câline avec moi quand mon frère n'était pas là sinon elle souriait avec tant de dents que je comprenais vite qu'il ne fallait pas trop embrasser mon pirate de frère :pEt comme parfois je me sentais exclue de ce duo fusionnel, papa m'avait ramené une mangouste, que j'avais nommé "Riri".Elle dormait avec moi, nichée au creux de mon cou. Elle était ma meilleure amie, et le mot n'est pas fort. Je lui confiais tous mes secrets, mes joies et peines.Elle me faisait tellement rire, elle était joueuse, curieuse, mi-sauvage, mi-apprivoisée. Elle était libre d'aller à sa guise dans la maison, elle ne devait pas quitter le jardin, car dehors elle était un met apprécié des centrafricains.Elle était la gardienne de l'arche, et combattait avec courage les serpents, mambas verts qui tombaient des arbres fruitiers (manguiers) ou des flamboyants, alourdis d'avoir mangé trop petits oiseaux ou de petits rongeurs.Ce sont de grands serpents qui atteignent facilement les deux mètres et sont parmi les plus rapides sinon les plus dangereux. Le venin de ces serpents étant très toxique, Riri nous sauvait de bien des morsures. Notre voisin, travaillait dans un laboratoire, et faisait des recherches sur les vaccins anti-venin, et avait là sous la main de beaux spécimens.Il en élevait pour ses observations plusieurs espèces dans sa maison, et j'avoue que bien des nuits furent peuplées de cauchemars à l'idée qu'ils s'échappent de chez lui.Elle adorait gober les œufs crus, elle s'asseyait sur son derrière, tenait l'œuf entre ses pattes avant et le cognait au sol pour le gober avec gourmandise…Ce rituel pouvait prêter aussi à rire, un jour elle avait pris une balle de ping-pong dans la chambre de mon frère, croyant que c'était un œuf, et avait passé sa matinée à essayer de briser la coquille. Et comme ce dernier en plastique lui résistait et rebondissait, elle grimpait à chaque fois plus haut pour parvenir à le fracturer. Hélas, elle ne parvint pas à son dessein, et dut renoncer une fois en haut de l'armoire.Pour qu'elle se calma nous avions remplacé la balle de ping-pong par un véritable œuf, et cette aventureuse expérience finit bien.Elle était aussi boudeuse, et rancunière… lors d'un dîner une jeune femme lui avait marché sur sa queue avec un talon aiguille, en quittant la table, Riri alors nichée sous sa chaise comme poubelle de table masquée, s'est défendue et a mordillé la cheville de la dame. Cris, soins et excuses.Riri n'a jamais oublié cet évènement, et à chaque dîner, les convives féminins devaient se déchausser de leurs talons aiguilles ou venir à talons plats. Sinon, elle fonçait sur le pied coupable et pinçait le talon dénudé de la personne.On aurait pu l'isoler de la salle à manger, du salon, et la mettre en cage lors de ces réceptions… Mais mon père m'a toujours appris que c'est à l'homme de s'adapter à l'animal sauvage, non l'inverse.Elle était donc libre, et un jour fouineuse, elle a fait un petit trou dans le grillage du jardin pour aller regarder ces verts pâturages, et l'Homme a du la déguster avec sa famille… triste sort, mais l'Afrique est cruelle pour survivre non pour se divertir comme les chasseurs.
Je l'ai appris très tôt cela aussi, cette vie vrombissante à la cruauté sauvage dont dépendait la survie, ce respect de l'enfant et du vieux, cette protection dont la tribu dépendait d'un respect totalitaire, l'enfant surpris à voler sur un marché avait la main tranchée…Des guerres tribales, des ethnies montées l'une contre l'autre.Le vin de palme qui rougissait les yeux de ces hommes et femmes qui déferlaient dans les rues avec à leurs mains lances, machettes et autres armes tranchantes… et menaçaient toute la population européenne de représailles sanglantes si elle ne quittait pas le territoire… après le renversement du pouvoir, et le coup d'état contre l'empereur Bokassa 1er.Qui avait tort, qui avait raison, seule la politique et les ronds de cuirs savent pourquoi !Je me souviens seulement d'avoir à mes 16 ans regagné l'aéroport, pour prendre la Caravelle, et de voir avant de quitter la maison, les hommes abattre tous nos animaux…
Notre avion a été détourné, nous avons passé plusieurs heures d'angoisse, et enfin nous avons atterri sur le sol français.
Si cela vous a permis de voir l'Afrique autrement, je poursuivrai et rédigerai le prochain volet sur la "Culture et l'éducation", avec des souvenirs d'enfance, ce qui reste après 11 années passées là-bas.
Aujourd'hui, ce que j'essaie de transmettre à mon enfant.
J'ai gardé de cette vie africaine, la pudeur, le respect de l'autre, la force de ne pas se plaindre de la cruauté de la vie, le fait de pas juger autrui, de regarder l'âme avant d'entendre les mots, de ne pas croire que l'autre c'est toujours l'enfer, le regard dur face à une situation nuisible, le fait d'assumer tous mes actes même les plus difficiles, et cette "putain" d'envie de mordre la vie dans le cou."
14 ans - Africa |
(aparté) ce texte rédigé d'après mes souvenirs d'enfant a été repris sur plusieurs blogs sans me demander l'autorisation, il s'agit de mes souvenirs, merci de les respecter.
Voilà un bouquin qu'il faut que je lise!J'ai pourtant vu le film. Il faudra que je l'emprunte à la biblio !
RépondreSupprimerBonnes vacances, les nôtres approchent à grands pas!
Jolis échos sur un pays que je connais plus au nord qu'au sud. Je garde un merveilleux souvenir de mon séjour en Afrique. Ca fait un mois et demi qu'ici l'été est vraiment breton, il y a eu très peu de soleil et Dieu sait si j'en ai vraiment envie du soleil. Je vais peut être aller le chercher là bas en lisant les liens et pourquoi pas en posant le pied sur ce sol terre de feu.
RépondreSupprimerBisous et merci à toi jolie panthère pour ce partage africain.
Cynthia
http://cynthiarosered.chez-alice.fr/cariboost1/
Ca fait réver ...
RépondreSupprimerJe n'ai toujours pas vu le film. Mais peut-être commencerai-je par cette traduction-ci.
RépondreSupprimerMoi qui suis passionnée par l'Afrique je n'ai jamais lu "La ferme africaine", il va falloir que je remédie à cette lacune !
RépondreSupprimerPour ma part j'ai plus qu'adoré Meryl Streep et Robert Redford dans ce film épustouflant, servi par une musique signée John Barry et qui a bercé mon adolescence...voilà donc un livre à lire !
RépondreSupprimerJe l'avoue j'aime le hasard. Le soir avant de me coucher j'ouvre un blog. Ce soir c'est le vôtre. Avant-hier c'était un autre avec un You tube sur l'Afrique, un étonnant spectacle qui m'a fait penser à Karen -c'est comme une amie deuis qu'on m'a dit "vous ressemblez à K B" Trop beau compliment bien sûr, et une boucle pour terminer avec vous. Merci
RépondreSupprimermiss lucy : que ta rentrée soit aussi douce que possible :)
RépondreSupprimercynthia : y aller est déjà un défi, s'y installer de l'inconscience mais comme l'Amour l'Afrique a de brutale que sa passion dévorante...
diane : *chut* ferme les yeux et *envole toi* :)
frez : voyager à travers cette plume là est déjà un voyage qui bouscule ;)
euqinorev : oui sinon à quoi ça sert que je me décarcasse :p mdr
chrixcel : un jour j'y finirai ma vie, si mon Redford me suit ;)
loiseaubleu : merci à vous de vous être posée un instant :)
Une très belle découverte d'Eva Lunaba à propos du film "Out of Africa" avec de chouettes photos de son "enfance bonheur"
RépondreSupprimerÉmouvant
bec'